Autostop en Russie

Newsletter #6 : La pratique de l’autostop – Bilan d’un an de voyage

Lorsque nous avons commencé à lever le pouce en France, nous ne connaissions pratiquement rien à l’autostop. C’était un grand saut dans le vide.

UNE SENSIBILISATION LOINTAINE ET ANODINE

Avant cela, je voyais les autostoppeurs comme des personnes n’ayant pas d’autre choix pour se déplacer. C’est lors d’une cérémonie de l’association Zellidja à Paris que j’ai rencontré une voyageuse venue de Marseille. Elle m’a raconté qu’elle avait fait tout le trajet en autostop en une journée, tandis que j’avais pris un train depuis Bordeaux, déboursé 150 euros et subi deux heures de retard. Elle m’a expliqué que faire Marseille-Paris en autostop était relativement simple, à condition de bien choisir ses points de départ.

Ce qui m’a frappé, ce n’était pas seulement l’économie réalisée, mais aussi l’enthousiasme avec lequel elle parlait de son trajet. Elle avait vécu une aventure, fait des rencontres, accumulé des souvenirs. Moi, en comparaison, je n’avais que le récit d’un trajet en train, entre l’attente, les soupirs et les pleurs d’un bébé couverts par mes écouteurs.

Son expérience m’a marqué sans que je m’en rende compte sur le moment.

Après mes voyages Zellidja, mon envie d’explorer s’est intensifiée. La période du Covid a freiné cet élan, mais le désir a ressurgi, jusqu’à ce que nous prenions la route pour de bon.

UNE QUESTION FONDAMENTALE : LES GENS SONT-ILS PLUS BONS QUE MAUVAIS ?

Avant de me lancer, je me demandais si les gens étaient fondamentalement bons ou mauvais. Après un an de voyage en autostop, ma réponse est claire : les gens sont majoritairement bons. Même en l’absence de mots ou de sourires (parfois en raison de la barrière linguistique), une atmosphère d’hospitalité se dégageait souvent.

Pourquoi cette personne a-t-elle choisi de nous aider parmi tant d’autres ? Cette seconde question, je me la suis souvent posée.

POURQUOI CETTE AIDE ? L’ANALYSE DES BIAIS

Plusieurs éléments influencent les conducteurs dans leur décision de s’arrêter :

  • Nous voyageons en couple (homme/femme), ce qui peut rassurer.
  • Notre apparence et nos tenues nous identifient comme des voyageurs.
  • Nous évitions de fumer ou de boire en faisant du stop.
  • Nos sourires et nos attitudes bienveillantes inspirent confiance.
  • Nous choisissons des emplacements stratégiques, sécurisés et visibles.

L’acte de présence en bord de route suscite aussi la curiosité. Il nous est arrivé que des passants viennent spontanément nous aider sans même que nous ayons levé le pouce.

Bien sûr, il ne faut pas sombrer dans une vision trop naïve. Mais les rencontres bienveillantes sont bien plus nombreuses que les mauvaises expériences.

L’AUTOSTOP : UNE PRATIQUE UNIVERSELLE AUX VARIATIONS LOCALES

D’un pays à l’autre, les gestes diffèrent. En Asie centrale, par exemple, le pouce levé est remplacé par une main tendue agitée de bas en haut. Cependant, la pancarte reste un outil universel : parfois, quelques lettres suffisent.

En général, pour saisir des bonnes opportunités, il faut être au bon endroit, au bon moment. L’analyse des flux de la circulation est donc primordiale. Les grands axes et entrées d’autoroutes sont des points stratégiques. Le site Hitchwiki fournit d’ailleurs d’excellents conseils basés sur l’expérience des voyageurs.

NOS PLUS BELLES EXPÉRIENCES EN AUTOSTOP

Nous avons traversé de nombreux pays en autostop, mais certaines expériences nous ont particulièrement marqués :

1. Turquie

Nous avons traversé la Turquie en autostop, de Fethiye jusqu’à la région de Rize, avant de passer en Géorgie. Ce fut une expérience marquante tant les Turcs se sont montrés généreux. L’attente était rarement longue avant qu’une âme chaleureuse ne s’arrête. Souvent, nos trajets se transformaient en invitations spontanées à manger ou à dormir. Le ramadan a également intensifié cette hospitalité, nous plongeant au cœur des traditions musulmanes.

Les axes principaux facilitent les longs trajets, notamment en camion, offrant une vision panoramique des grandes plaines autour de Konya. Ces voyages au rythme lent permettaient une introspection particulière. Puis vinrent les rencontres avec les Kurdes, au cœur aussi lourd que chaleureux. On partageait les repas assis à même le sol avant d’atteindre la région verdoyante des plantations de thé.

2. Kirghizistan

Après la traversée aride de l’Ouzbékistan, le Kirghizistan nous a offert une bouffée d’air frais et des expériences inoubliables en autostop. Nous n’avons jamais été bloqués, que ce soit pour atteindre des lacs reculés ou des vallées perchées en montagne. L’hospitalité kirghize nous a marqués : au-delà de nous prendre en stop, beaucoup prenaient le temps de nous inviter à manger, partageant leur culture avec une simplicité désarmante. Nombre d’entre eux nous ont donné leur contact, prêts à nous héberger si besoin. Cette générosité spontanée nous a émerveillés, à l’image des paysages grandioses et des traditions profondément ancrées du pays.

3. Mongolie

En Mongolie, nous avons parcouru le pays exclusivement en autostop pendant un mois, nous enfonçant même dans des steppes isolées. Un pays aussi vaste et peu peuplé aurait pu rendre cette pratique impossible, et pourtant, il suffisait parfois d’une seule voiture par heure… qui nous prenait toujours à son bord. Même lorsque les véhicules étaient déjà pleins, une place nous était trouvée, quitte à s’entasser.

Les distances immenses nous amenaient à passer des journées entières avec nos conducteurs, partageant repas et longues discussions. Grâce à l’autostop, nous avons assisté à un festival traditionnel, partagé des moments avec des éleveurs nomades et même atteint le désert de Gobi avant de rejoindre la Chine. Jamais ailleurs le ratio « voitures croisées / voitures qui nous prennent » n’a été aussi élevé.

UNE APPROCHE PERSONNELLE AXÉE SUR LA SÉCURITÉ ET L’EFFICACITÉ

En un an, nous avons toujours privilégié la sécurité, tout en recherchant l’efficacité sous plusieurs angles : économique, social, environnemental et énergétique.

1. Un choix économique

Parfois, il est plus rentable de prendre un transport en commun pour éviter une nuit d’hôtel. L’autostop ne doit pas être une question d’argent, mais de rencontres humaines. Nous avons toujours refusé l’argent proposé par des conducteurs et n’avons jamais accepté de payer pour être pris en stop.

2. Un impact social fort

Dans certaines régions, l’autostop est mal perçu. Il serait absurde d’attendre huit heures au bord de la route dans l’espoir qu’un conducteur, pris de pitié, nous prenne sans un mot. Le voyage en autostop doit rester une expérience humaine et enrichissante, où les échanges avec les locaux sont primordiaux.

3. Une réflexion environnementale

Nous utilisons des voitures existantes plutôt que de déplacer un véhicule supplémentaire. La plupart des voitures n’ont aucun passager en leur bord ! Cependant, certains conducteurs insistent pour faire un détour pour nous déposer à bon port. Dans ces cas-là, nous devons évaluer si cela en vaut la peine ou s’il est préférable de descendre à un croisement stratégique.

4. Une gestion de l’énergie

Faire de l’autostop demande une grande disponibilité mentale et physique. Entre la recherche d’emplacements, l’attente, la communication et l’adaptation aux conditions climatiques, l’énergie dépensée est considérable. Il est parfois plus raisonnable d’opter pour un transport en commun sur les longs trajets.

CONCLUSION : UN AN DE VOYAGE EN AUTOSTOP, UNE EXPÉRIENCE TRANSFORMATRICE

Après un an sur la route, l’autostop a redéfini notre perception du monde et des autres. Nous avons découvert une générosité insoupçonnée et avons partagé des moments uniques avec des inconnus. Cette pratique, loin de se résumer à un simple mode de transport, est avant tout une aventure humaine.

Alors, si vous hésitez encore à lever le pouce, sachez que vous aurez plus souvent l’occasion de rencontrer quelqu’un qui voudra vous aider que quelqu’un qui cherchera à vous nuire. Bon voyage !

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