Samuel et son matériel, initialement parti en tour d'Europe en vélo avant d'entreprendre un tour du monde en autostop. @unsimplevagabond_

De la France à l’Australie en autostop : le premier grand défi de Samuel dans son tour du monde 

Partir sans avion, avec un budget serré et une envie de traverser le monde autrement : c’est le pari un peu fou que s’est lancé Samuel, alias @unsimplevagabond_ sur instagram. Depuis plus d’un an, il parcourt routes et océans en autostop, reliant la France à l’Australie en passant par l’Europe, l’Asie centrale et l’Asie du Sud-Est. Un voyage marqué par l’inattendu, les rencontres et les défis quotidiens, où chaque étape devient une aventure en soi.

Dans cette interview, Samuel partage son expérience sur la route, ses meilleurs souvenirs, les moments difficiles et ce que signifie vraiment voyager avec seulement 10€ par jour.


Où es-tu actuellement ? 

Depuis trois mois, je suis à Perth, en Australie-Occidentale.

Quel est ton parcours ?

Mon projet initial était de parcourir l’Europe à vélo. Je suis parti mi-janvier 2023 avec l’objectif de rouler pendant neuf mois, en passant l’hiver en Espagne et au Portugal pour éviter les températures trop fraîches. Originaire de Franche-Comté, j’ai quitté ma région sous la neige.

Pendant trois mois, j’ai traversé la France, le Portugal et l’Espagne, parcourant environ 6 000 km à vélo. Au fil des rencontres et des découvertes, mon projet a évolué. Au lieu de boucler un tour d’Europe et de rejoindre l’Australie en avion pour faire un PVT, j’ai eu l’idée de tenter de rallier l’Australie à vélo depuis la France. Cependant, j’ai assez rapidement souffert de fortes douleurs aux tendons.

Pourquoi as-tu décidé de voyager en vélo ?

Au départ, je voulais faire un tour d’Europe en voiture. Mais fin 2022, alors que j’étais en Espagne pour apprendre la langue, mon père a eu un problème de voiture, et je lui ai donné la mienne. De retour en France, j’ai donc opté pour le vélo, inspiré par des vidéos de voyageurs à deux roues parcourant l’Europe. J’ai acheté un vélo d’occasion, sans être habitué au camping ni à ce mode de voyage, en me disant que j’apprendrais en route. Tout s’est bien passé, sauf pour les douleurs. Je pensais que mes muscles et mes tendons allaient s’adapter, comme avec les crampes, mais ce n’était pas le cas.

Quel a été ton parcours académique ?

À vingt ans, après mon BTS, je voulais poursuivre mes études en Franche-Comté, mais je n’ai pas trouvé d’entreprise dans le cadre d’une formation en licence pro. J’ai donc décidé de partir à Londres pour travailler et perfectionner mon anglais. C’est d’ailleurs là- bas, dans cette ville cosmopolite, que j’ai eu envie de voyager davantage, découvrir d’autres cultures.

J’ai ensuite eu l’opportunité de poursuivre un Bachelor, avant de revenir en France à cause du Covid pour faire mon Master, puis de repartir en Espagne.

Comment as-tu découvert l’hébergement alternatif : bivouac, Couchsurfing, Warmshowers ?

En voyageant à vélo! Avant cela, ma vie à Londres était sédentaire, rythmée par le travail et les études. Mais en voyage, le bivouac et l’hébergement chez l’habitant sont devenus des options essentielles.

Tu sembles transformer des obstacles en opportunités, quel est ton état d’esprit face aux évènements ?

Ce qui ressemblait à un échec s’est finalement transformé en opportunité. Lorsque j’ai compris que je ne pourrais pas continuer à vélo, j’ai été d’abord déçu. Mon plan initial était de revenir dans trois ans après avoir traversé 40 pays et parcouru 40 000 km à vélo.

Mais j’ai vu une autre possibilité : poursuivre en autostop. J’avais déjà une expérience en stop en Franche-Comté, où c’était un moyen de transport avant mes 18 ans. Mais je ne l’avais jamais pratiqué à l’étranger.

De retour en France, j’ai hésité : est-ce-que je devais abandonner le vélo ou faire six mois de rééducation pour réessayer ? Puis j’ai lu des témoignages de personnes souffrant des mêmes douleurs, et pour qui six mois de repos n’avaient pas suffi. J’ai donc décidé de partir en stop, avec quelques appréhensions : à vélo, on est autonome et certain d’avancer, alors qu’en stop, on dépend des autres.

Sur YouTube, j’ai trouvé des vidéos de Jojo Aigner, un voyageur allemand ayant beaucoup expérimenté l’autostop, qui m’ont rassuré sur la faisabilité du projet.

Comment as-tu géré ton équipement lors de cette transition vers l’autostop ?

En passant du vélo à l’autostop, j’ai pu garder la plupart de mes affaires, sauf mon réchaud et quelques équipements de cuisine. J’ai échangé ma tente deux places contre une plus légère et réduit mon chargement à un sac de 60 litres.

As-tu le même état d’esprit en vélo ou en auto-stop ?

Contrairement au vélo, où j’avais un plan clair, l’autostop était une expérience plus incertaine. 

Ma première semaine en Italie a été difficile : certaines situations étaient frustrantes, comme attendre des heures sur une aire d’autoroute pour faire 20 kilomètres alors qu’en vélo, j’aurais atteint ma destination plus rapidement. Mais au fil du temps, j’ai appris à apprécier ce mode de voyage.

As-tu regretté le choix de l’auto-stop?

Non, aucun regret. J’ai adoré. La manière de voyager change complètement en fonction du mode de transport. Les rencontres, le sentiment d’accomplissement et la sensation de liberté sont beaucoup plus puissants à vélo, parce qu’on est plus indépendant. Mais en autostop, on se sent paradoxalement plus libre, même si l’on dépend des autres.

Le vélo peut être aussi encombrant. Par exemple, à Grenade, je n’ai pas pu explorer certaines ruelles à cause de mes sacoches. Certains lieux, comme des musées, étaient inaccessibles car je ne pouvais pas laisser mon vélo sans sécurité. J’ai aussi dû grimper la dune du Pilat avec mes 30 kg de sacoches. En autostop, il suffit d’un sac à dos pour randonner et visiter librement, et on peut parcourir 600 km en une journée avec un peu de chance, alors qu’à vélo, selon les pays, cela peut prendre une semaine. Même en prenant des bus, les trajets restent compliqués.

Peux-tu nous parler de ton Itinéraire et de ce qui l’a conditionné (Limites, budget, centre d’intérêts etc.) ?

J’avais un budget de 10 euros par jour, incluant logement, nourriture, activités, transports, visas et assurance. J’ai souvent dû renoncer à visiter des musées ou à aller au restaurant. Cela pouvait être frustrant, en sachant que c’était souvent la seule opportunité dans ma vie de visiter une ville, mais ce choix en valait la peine pour tenir mon budget. 

Je ne prévoyais jamais trop mes visites. En arrivant dans un pays, je ne connaissais souvent pas grand-chose. J’avais une idée globale de mon itinéraire et de ce que je voulais voir, mais je me laissais guider par les rencontres. Je demandais des recommandations aux personnes qui me prenaient en stop ou m’hébergeaient. Par exemple, ayant étudié la charpente et étant passionné par la construction en bois, une hôte à Fukuoka m’a conseillé un musée de maisons traditionnelles à Kobe. J’ai pu en discuter avec elle plus tard et ça a été une expérience enrichissante.

J’ai voyagé presque exclusivement en autostop, en utilisant les transports en commun seulement pour sortir des villes. J’essayais aussi de camper et de marcher autant que possible. Au Japon, je me suis lancé le défi de marcher pendant six semaines de Fukuoka à Tokyo.

J’avais plusieurs centres d’intérêt : la gastronomie, l’histoire et surtout les rencontres. Mais mon principal objectif était de découvrir, d’observer et de voir comment les choses se présentaient sur le moment.

Ton itinéraire prévu a-t-il évolué ?

J’aurais adoré visiter l’Iran, dont on m’a dit beaucoup de bien. Cependant, le contexte était tendu à cause du début du conflit Israël-Palestine. Ma famille étant déjà inquiète à l’idée que je voyage, il était difficile pour eux d’accepter que je passe plusieurs semaines en Iran. J’ai donc choisi de passer par la Russie. Voyager en stop demande beaucoup d’adaptation en fonction de la géopolitique, des conflits et des visas. Par exemple, en Chine, j’avais un visa à deux entrées, ce qui m’a permis de prolonger mon séjour en Asie de l’Est.

Le budget a une place importante dans ton voyage, comme beaucoup de voyageurs. Comment es-tu adapté aux différences de coût de la vie dans certains pays ?

Le coût de la vie a influencé la durée de mes séjours. La Corée était le pays le plus cher en dehors de l’Europe. J’y ai réduit mes dépenses en dormant principalement chez l’habitant via Couchsurfing ou grâce à des invitations spontanées. Au Japon, je n’ai pas toujours respecté mon budget de 10 euros par jour, mais j’avais une vue d’ensemble sur mes dépenses. Ce qui coûte cher, c’est le logement. Lors de ma traversée à pied, je n’ai pris aucun hôtel ni bus. J’ai été hébergé par quelques hôtes à Tokyo et j’ai passé des nuits dans des manga kissa (cafés manga), qui ne coûtent qu’une dizaine d’euros.

Quel a été ton pays le plus marquant pendant ton voyage ? 

Je dirai le Japon. J’y suis resté deux mois et demi : c’est le pays où j’ai passé le plus de temps. J’ai beaucoup marché : six semaines en itinérance avec une tente. C’était incroyable et les Japonais ont été adorables.

J’ai traversé le pays en stop, de Tokyo à Fukuoka avec une dizaine de conducteurs, et ça fonctionnait plutôt bien, même si les Japonais sont très stricts sur les règles. J’ai par exemple été contrôlé plusieurs fois par la police, qui m’a signalé que je ne pouvais pas faire de stop à certains endroits (entrée d’autoroute, voie d’accélération, aires de repos). 

Quel a été le moment le plus mémorable de ton voyage qui te vient à l’esprit ? 

Le moment qui me vient en tête c’est mon arrivée à la Muraille de Chine après quatre mois de stop. Dès les premiers jours de mon aventure, mon objectif était d’atteindre la Chine, mais je ne savais pas si j’en étais capable uniquement en stop.

Arrivé à Pékin, j’ai trouvé une randonnée sur une section non restaurée et peu touristique de la Muraille. J’ai quitté la ville en métro avant de faire du stop jusqu’au point de départ de la randonnée. En chemin, j’ai rencontré une mère et sa fille adorables, qui m’ont invité à dîner dans une auberge isolée, nous avons passé une superbe soirée.

Le lendemain, je me suis lancé sur la randonnée avec mes applications chinoises de trail (sans rien comprendre). Puis, lorsque j’ai posé les pieds pour la première fois sur la Muraille, j’ai eu un moment suspendu dans le temps. D’habitude, en voyage, on est souvent concentré sur les besoins du quotidien : où dormir, comment avancer, quoi manger… Mais là, j’ai réalisé tout le chemin parcouru. C’était un instant de fierté intense.

As-tu rencontré des moments difficiles pendant ton voyage  ?

Oui, mes premiers jours en Chine dans la province du Xinjiang par exemple. Le stop y était particulièrement difficile, et les applications de paiement (WeChat, Alipay) ne fonctionnaient pas bien pour moi. Cette province m’a mis mal à l’aise : un sentiment constant d’être surveillé, des caméras partout, une présence policière oppressante. J’ai également eu des problèmes pour me loger : dans certains hôtels, les étrangers sont refusés ou doivent se déclarer à la police locale. Une fois, en entrant dans un hôtel, la gérante s’est mise à crier en me voyant, effrayée par la charge administrative que représentait un client étranger.

Tu as aussi connu des difficultés en Indonésie, peux-tu nous en parler ? 

Mon passage en cellule en Indonésie reste l’un des moments les plus difficiles de mon voyage. J’avais rencontré un capitaine turc, Batu, qui m’avait proposé de monter à bord de son catamaran pour naviguer vers le nord de l’Indonésie. Nous sommes partis de Bali en direction de Batam, mais la situation était compliquée dès le départ : Batu m’avait prévenu qu’il s’était fait voler son passeport et qu’il voulait rejoindre la Thaïlande rapidement, malgré cette absence de document. De mon côté, j’étais dans une position délicate puisque mon passeport était resté à Bali pour un renouvellement de visa.

Après 10 jours de navigation, nous avons finalement atteint Batam. Batu, ne pouvant débarquer à cause de sa situation, m’a laissé sur un ponton. C’est à ce moment-là que les autorités locales ont découvert ma propre situation irrégulière : je n’avais pas mon passeport sur moi. J’ai été placé en détention dans une cellule pendant quelques jours. Ce n’était pas une expérience traumatisante en soi, car j’étais en règle et je savais que ma situation finirait par s’arranger, mais l’incertitude et l’attente étaient pesantes.

La cellule mesurait environ 3 mètres sur 10 et je la partageais avec quatre autres hommes originaires du Bangladesh. Heureusement, j’avais ma liseuse, ce qui m’a permis de m’occuper, et les repas (généralement du riz et des légumes) étaient corrects. Ce qui m’inquiétait le plus, c’était le stress que cette situation pouvait générer pour ma famille. J’ai réussi à prévenir mon frère et à contacter le consulat de France, bien qu’ils n’aient pas pu faire grand-chose. Finalement, Ahmadi, mon hôte à Batam est venu à ma rescousse en récupérant mon passeport et en me l’apportant, ce qui m’a permis de sortir.

Comment gères-tu les moments de doute, de fatigue et de solitude ?

Concernant ma famille, il était parfois difficile de les contacter à cause du décalage horaire. Mais paradoxalement, je n’ai pas vraiment ressenti de solitude. En voyage, on est constamment entouré, souvent même trop sollicité socialement. Parfois, j’avais besoin de m’isoler : camper en pleine nature me permettait de souffler par exemple. J’ai aussi appris à être plus résilient. Je fais toujours la distinction entre ce que je peux contrôler et ce qui échappe à mon pouvoir. Je savais que j’allais pouvoir quitter ma cellule en Indonésie car j’étais règle, même si d’un autre côté j’étais conscient que la situation pouvait durer à cause d’un excès de zèle des autorités.

Tu as mentionné avoir fait du bateau-stop pour rejoindre l’Australie. Peux-tu nous en dire plus sur cette expérience en mer et ce qu’elle t’a apporté ?

Bien sûr ! Naviguer a été une aventure complètement différente de mes voyages terrestres. J’ai embarqué à bord d’un voilier à Labuan Bajo, en Indonésie, pour une traversée qui a duré près de deux semaines. En mer, le temps semble s’arrêter : on est coupé du monde, on vit au rythme des vents, des conditions météo, et des quarts de veille nocturne. J’ai eu la chance de rejoindre un équipage formidable composé de deux voyageuses françaises adeptes des trajets sans avion et d’un capitaine australien.

Notre quotidien était simple mais intense, entre préparer les repas, gérer la navigation, jouer aux cartes, discuter ou organiser des ravitaillements en eau, carburant et nourriture lorsque nous faisions escale. En pleine mer, on ressent une liberté unique, celle de pouvoir voguer vers n’importe quelle destination, sans frontières. Mais cette immensité rappelle aussi notre petitesse face à l’océan. C’est une expérience à la fois humble et méditative, qui enseigne la patience et l’adaptation.

Cette traversée m’a non seulement marqué, mais elle m’a aussi donné envie d’apprendre davantage sur la navigation pour, pourquoi pas, préparer de futures aventures en mer.

Peux-tu nous parler de ton arrivée en Australie ? As-tu trouvé du travail facilement ?

Je suis arrivé en Australie mi-novembre et j’y resterai un an. La traversée du centre (Darwin-Perth) a pris une dizaine de jours. J’ai rapidement trouvé un emploi en menuiserie. Il y a beaucoup de demandeurs et peu d’offres. Une fois équipé (outils, voiture), j’ai démarré et demandé une augmentation après quelques semaines. L’Australie est chère, notamment pour l’alimentation et le logement, mais j’arrive à économiser.

As-tu vécu une transition difficile vers une vie sédentaire ?

Quand on fait un PVT en Australie, on passe nécessairement par des démarches administratives. C’est un peu frustrant de devoir passer par toutes ces formalités : demande de numéro fiscal, ouverture de compte bancaire, création de mon statut d’auto-entrepreneur, achat de voiture… J’ai même dû emprunter un peu d’argent pour m’installer. Mais c’est une étape incontournable pour tout backpacker souhaitant s’établir dans un nouveau pays. Il faut s’adapter à ce nouveau rythme mais on s’y fait rapidement et c’est aussi agréable de retrouver une routine.  Il y a moins de contraintes : pas besoin de chercher un endroit pour dormir tous les jours, où manger, où charger mon téléphone… J’apprécie d’aller à la salle de sport le matin, de lire, d’avoir une connexion Internet stable. Mais cela ne m’empêche pas de vouloir repartir !

Quels sont tes projets futurs ?

Je prévois de partir en Nouvelle-Zélande après l’Australie, pour faire le Te Araroa, une randonnée d’au moins trois mois de marche, qui traverse les deux îles, puis traverser le Pacifique en bateau-stop pour rejoindre l’Amérique du Sud et remonter jusqu’au Canada.

Quels conseils donnerais-tu pour quelqu’un qui veut se lancer dans un voyage comme le tiens, axé slow travel (bikepaker, backpaker) ?

Je dirai que le plus dur, c’est de commencer. Une fois parti, il faut profiter pleinement de l’instant présent. Voyager de cette manière est une opportunité et un privilège énorme, surtout quand on voit la difficulté qu’ont certaines nationalités à obtenir des visas pour se déplacer librement.

Introspection : qu’est-ce que tu as appris au cours de ton voyage ? 

Même les mauvaises expériences restent enrichissantes. J’ai appris énormément, que ce soit sur la culture, l’histoire, la géographie ou les langues.

Le stop, en particulier, m’a enseigné des leçons précieuses : la patience, l’ouverture d’esprit et être plus sociable. J’étais plutôt réservé avant de partir, mais aujourd’hui, je peux aborder n’importe qui. Le voyage pousse à aller vers les autres, car on dépend réellement de leur générosité. Sur un plan plus profond, j’ai aussi découvert la méditation, notamment à travers une retraite Vipassana en Thaïlande, qui m’a offert un vrai recul sur mon voyage.

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