Kazbeghi et ses vallées : un voyage en autostop, rencontres et paysages époustouflants
Un trajet express vers Kazbegi en autostop : une rencontre inattendue et un regard sur la vie
Alors que nous nous apprêtions à passer notre dernière nuit dans la forêt de Dilidjan, en Arménie, la pluie nous a poussés à reprendre l’autostop plus tôt que prévu. C’est alors que Max, un Russe, s’est arrêté pour nous prendre. En route vers Moscou après avoir acheté une voiture à Erevan pour contourner l’embargo commercial, il a partagé peu à peu ses réflexions avec nous, malgré la barrière de la langue. Grâce à Google Translate, nos échanges sont devenus profonds. Max nous a parlé de son travail, de sa famille, de la Russie, et surtout de sa philosophie de vie. Il a cité une comptine russe : « Une marche après l’autre fait une échelle », soulignant que ceux qui tentent de sauter les étapes trébuchent inévitablement. Selon lui, il faut avancer à son rythme, sans précipitation. Ce qui nous a aussi particulièrement marqué dans nos échanges, c’est qu’il voyait notre rencontre comme une chance d’explorer la culture d’autres peuples, de comprendre nos différences sans jugement et d’apprécier la richesse qu’elles apportent, d’autant plus que nous étions les premiers Français qu’il rencontrait.
À Tbilissi, il nous a invités à partager un repas géorgien. Nous avons goûté le vin local, mais Max, qui ne boit pas, nous a expliqué qu’un drame personnel lié à l’alcoolisme l’avait poussé à cette décision. Il nous a incités à être prudents, surtout dans ces pays où l’alcool fait partie de la culture. Pendant un spectacle de danse géorgienne, on s’apprêtait à filmer, mais Max nous a fait réfléchir sur cette habitude de capturer chaque moment au lieu de le vivre pleinement. On ne pouvait être que d’accord avec lui.
Dans le restaurant, nous avons aussi appris à manger à sa manière les khinkalis : en les tenant par la partie dure, en mordant légèrement le partie molle pour aspirer le jus, tout en gardant le reste intact. Après le repas, Max a acheté une douzaine de bouteilles de jus de coing qu’il comptait offrir à un client particulier. « Les petits détails font la différence », nous a-t-il dit.
Après plusieurs heures de route de nuit, il nous a déposés au pied de l’Église de la Trinité de Guerguétie, perchée à 400 mètres de dénivelé, au-dessus de Kazbegi, et a repris sa route en direction de la frontière. Nous avons dormi sur le parvis, à l’écart des chiens errants, et le matin, nous avons découvert la vue imprenable sur Kazbegi. Décidant de finir la nuit dans la verdure, nous avons installé notre tente, ébahis par la beauté du paysage. Depuis notre campement, nous observons l’effervescence des touristes et des drones qui sillonnent le ciel. Mais nous aspirons à autre chose : un véritable dépaysement dans la tranquillité des vallées de Juta et de Truso.
L’ascension vers la vallée de Juta
Pour rejoindre Juta, la marche fut longue et exigeante. Ce village, entouré de verdure, de ruisseaux scintillants et de troupeaux de bovins, semble figé dans le temps. En chemin, un jeune couple géorgien accepte de nous avancer au pied de la vallée. La jeune femme, qui s’apprête à partir en France pour ses études, partage ses inquiétudes concernant la recherche d’un logement et de son intégration, alimentant une discussion riche et spontanée sur la société française. Leur petite voiture, malgré une route accidentée, parvient à nous déposer à bon port.
À la mi-journée, nous entamons l’ascension vers le lac de Juta. La montée est marquée par le poids de nos sacs, que nous finissons par cacher pour continuer plus légèrement. La rivière qui serpente rend l’accès au lac ardu, mais nous sommes récompensés par un paysage sublime et l’intimité d’une famille campant à l’écart. Alors que la nuit approche, nous regagnons nos sacs pour installer notre tente et savourer la quiétude de ce lieu.
À la frontière ossète : la vallée isolée de Truso et une nuit imprévue dans un couvent
Le réveil est animé : des groupes de touristes envahissent la vallée dès les premières heures. Après avoir plié bagage, nous partons pour Truso. Sur le chemin, un couple de retraités allemands, hésitant face à l’état déplorable des routes de la vallée de Juta, décide de faire marche arrière et de nous conduire à la vallée de Truso, tout en découvrant la vallée par eux-mêmes.
Les chemins escarpés obligent les voitures à avancer lentement, patientant parfois face à des troupeaux de vaches guidés par leurs bergers. Après avoir marché plusieurs kilomètres depuis le parking où ils nous déposent, nous atteignons un abbaye perdue au milieu de la vallée. En son sein, on y trouve un lieu tenu par des nones où on peut se restaurer. Là, nous prenons qu’un café réconfortant car il nous reste presque plus d’argent sur nous. Soudain, le ciel s’assombrit, et des éclairs illuminent violemment l’horizon. Nous restons réfugiés dans le restaurant, envisagé comme un abri temporaire. Alors que l’orage persiste, le restaurant s’apprête à fermer. Nous demandons au prêtre, l’air bienveillant, s’il connaît un endroit où nous pourrions passer la nuit. À notre grande surprise, il nous offre une chambre au sein du couvent. En guise de remerciement pour ce refuge inattendu, nous laissons nos derniers lari avant de repartir le lendemain. Sur le chemin du retour, nous admirons la forteresse Zakagori ainsi que la rivière, dont les eaux arborent des teintes éclatantes dues à la richesse en fer des dépôts minéraux du sol.
Un dernier regard sur Kazbeghi avant de quitter la Géorgie
De retour à Kazbeghi, nous décidons de passer deux ultimes nuits sur les sommets, en profitant de la vue imprenable depuis notre tente. Le lendemain, nous optons pour le confort d’un hôtel, soucieux d’être reposés pour notre prochain défi : traverser la frontière russe et atteindre le Kazakhstan en moins de cinq jours avec notre visa transit.